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Le Monde - « Ayons conscience de l’immense valeur ajoutée de l’UE »

"L’existence seule du marché intérieur européen rapporte à la France près de 124 milliards d’euros par an, douze fois plus que ce qu’elle nous coûte, insistent, dans une tribune au « Monde », les députés Jean-René Cazeneuve et Valérie Hayer. Ils appellent la France, par sa contribution au budget européen, à se montrer à la hauteur de ses ambitions.

La contribution de 25 milliards d’euros de la France à l’Union européenne pour 2023 est hautement stratégique. Elle est au cœur du projet de loi de finances (PLF), dont l’examen a débuté le lundi 10 octobre au Parlement français. Une chose est cependant occultée des débats : l’Europe nous rapporte – au minimum – plus de 120 milliards d’euros par an. 

Nous choisissons d’en parler ici, car il s’agit d’un volet central de la politique française. Depuis cinq ans, notre majorité n’a eu de cesse de revendiquer et d’assumer que les succès français se faisaient à l’échelle européenne. Et qu’il faut donner à l’Europe les moyens de ses ambitions – ou plutôt des ambitions qu’on lui confère.

Car c’en est assez. L’heure n’est plus à l’Europe honteuse. Au contraire. Nous sortons peu à peu de la crise due au Covid-19. Qui a permis que tous les Européens soient vaccinés, sans pénuries, en France ou en Roumanie ? C’est l’Europe. Nous entrons dans une ère de défis énergétiques sans précédent. Qui a coordonné les actions de solidarité pour éteindre les mégafeux que nous avons connus cet été ? C’est l’Europe. Qui pousse pour que, partout sur le continent, les profits exceptionnels des entreprises du secteur fossile (y compris l’industrie pétrolière) soient reversés aux plus vulnérables ? C’est l’Europe. 

Une contribution justifiée par sa prospérité

Ne comptez ni sur les lepénistes ni sur les « insoumis » pour l’avouer. C’est l’Europe, c’est l’Europe, c’est l’Europe. Une union politique de solidarité et de fraternité inédite dans le monde, au bénéfice de 450 millions de personnes. Or, bâtir ce destin commun demande des moyens. Et c’est en Européens que les élus français contribuent au budget européen. Plus précisément, le projet de loi de finances pour l’année 2023 prévoit une contribution française à hauteur de 25 milliards d’euros pour le budget européen. Cela revient à environ 10 milliards d’euros net, une fois pris en compte les financements européens dont la France bénéficiera. Revenus des agriculteurs, développement des territoires ou encore repas pour les plus vulnérables grâce aux Restos du cœur… C’est l’Europe qui protège, grâce aux contributions de tous. 

Une contribution, pour la France, justifiée par sa prospérité, qui souligne par ailleurs que nos choix politiques nationaux ont été à la hauteur en ces temps de crise. Nous sommes un pays prospère dans l’Union, nous contribuons donc à la solidarité européenne à la hauteur de cette prospérité. Nous en sommes fiers et nous l’assumons. 

Avocats de la paupérisation

Ayons ainsi conscience de l’immense valeur ajoutée de l’Union européenne. On pourrait, cyniquement, ne parler que de chiffres. Alors, en voici un : l’existence seule du marché intérieur européen rapporte à la France près de 124 milliards d’euros par an. En d’autres termes, l’Union européenne nous rapporte douze fois plus que ce qu’elle nous coûte. Douze fois plus, rien que grâce à nos échanges commerciaux avec nos voisins ! Sans compter les milliards économisés grâce à la paix, à la montée en compétences de nos jeunes grâce à Erasmus, à la culture du dialogue et des décisions communes prises entre ministres européens… Comment croire le discours des souverainistes qui voudraient nous faire penser que le projet européen nous ruine ? Ce sont eux, les avocats de la paupérisation… 

Mais vivre en situation de paix et de prospérité au sein de notre Union n’est pas seulement une question de chiffres. Nous dénonçons les limites de cette logique du « juste retour ». Une logique qui voudrait que chaque euro envoyé à Bruxelles nous revienne à l’identique au niveau national. Une vision comptable de l’Europe qui déchire les capitales nationales, alors que les milliards évoqués ne restent pas à Bruxelles. 

De grandes initiatives

Ils sont au contraire utilisés sur le terrain pour faire converger nos régions, soutenir nos petites entreprises, ou encore développer des structures qui inventent chez elles le monde de demain grâce à des projets transnationaux innovants. Ils permettent aussi des économies d’échelle et le déploiement de grandes initiatives que les Etats seuls ne pourraient mener, des constellations de satellites, comme Galileo, jusqu’à Rail Baltica, cette ligne ferroviaire qui va enfin relier et désenclaver les trois pays baltes. 

Mais soit ! Cela pose problème à certains d’envoyer de l’argent français à l’Union ? Qu’ils se rassurent, nous avons justement pour ambition de mettre fin à cette logique du « juste retour » qui monte les Etats les uns contre les autres, avec l’Europe comme victime collatérale. Notre levier ? Les ressources propres, ces recettes européennes destinées à rendre notre Union moins dépendante des contraintes budgétaires nationales : taxe sur les transactions financières, taxe carbone aux frontières ou encore recettes de l’accord mondial sur la taxation des multinationales. Autant de ressources qui ont vocation à financer directement l’Union européenne. 

Mais, pour l’heure, continuons de contribuer fièrement à l’action européenne dont, loin d’en être de simples spectateurs, nous sommes plus que jamais les parties prenantes. 


 Jean-René Cazeneuve, député (Renaissance) du Gers, rapporteur général du budget ; 

Valérie Hayer, députée européenne, coordinatrice Renew Europe de la commission des budgets (BUDG)."

https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/13/ayons-conscience-de-l-immense-valeur-ajoutee-de-l-union-europeenne_6145709_3232.html