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TRIBUNE DANS LES ECHOS - Contre la désindustrialisation, ayons l’audace d’être Européens !

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Une « réponse commune » et « structurelle », l’idée de « subventionner le made in Europe » ou encore un fonds pour « soutenir des projets industriels »... Par leurs propos respectifs, la présidente Ursula von der Leyen, le président Emmanuel Macron et le commissaire au marché intérieur Thierry Breton disent au fond une seule et même chose depuis plusieurs jours : l’heure est venue d’oser l’ambition. D’oser nous donner les moyens de notre souveraineté européenne.   

 Depuis de longs mois, la guerre menée en Ukraine par Vladimir Poutine et ses conséquences pour les Européens révèlent peu à peu les dépendances et les points faibles de l’Europe. Investir dans la défense semblait dépassé – ce n’est plus le cas. Développer l’industrie sur notre sol semblait ringard – ce n’est plus le cas. Bâtir notre indépendance énergétique semblait illusoire – ce n’est plus le cas. Mais, alors que notre partenaire américain met sur pied un Inflation Reduction Act à 400 milliards de dollars pour soutenir son industrie, énoncer nos priorités n’en fera pas pour autant une réalité de notre côté de l’Atlantique. C’est pourquoi il est urgent de mettre en place ce Fonds de souveraineté européen, dont le groupe Renew Europe, à l’avant-poste sur cette question depuis le mois de février, m’a confié un mandat pour en esquisser les grands axes. Pour passer à l’action. En Européens.   

Car est venu le temps d’investir dans notre souveraineté européenne. La réalité nous frappe tous. Et la réalité est violente. Seule une poignée de milliards d’euros est encore à disposition dans le budget européen d’ici 2027 pour affronter les conséquences de la guerre à nos portes, sans compter d’éventuelles nouvelles crises. Des conséquences pour notre sécurité, pour notre économie, pour notre industrie.   

 Il y a une bonne nouvelle. La voici : il n’y a pas de fatalité. Osons avoir le courage d’investir à la hauteur des enjeux pour réduire nos dépendances, relocaliser nos industries critiques et acquérir enfin notre autonomie stratégique. Ainsi, l’économie européenne n’aura pas à trembler à chaque secousse géopolitique.   Le budget actuel ne nous laisse pas beaucoup de choix. Créer un fonds dédié aux investissements qui feront notre indépendance semble être la seule option crédible. C’est à cette fin que, dès le mois de mai, le Parlement européen s’est prononcé en faveur d’un tel fonds. C’est à cette fin qu’au mois de septembre, en le réitérant le 4 octobre à Bruges, Ursula von der Leyen a annoncé sa volonté de mettre sur pied ce fonds pour la souveraineté européenne. Pour que l’Europe demeure une terre sûre et prospère.   

 Après le « quoi » et après le « pourquoi » vient nécessairement le « comment ». Nous y voilà. Pour devenir durable et ancré dans les politiques publiques, ce fonds a vocation à s’intégrer au budget de l’UE. Comment le financer ? Par un emprunt commun, à l’instar du plan de relance européen. Mais aussi par la création, inédite au monde, de « sovereignty bonds » : des obligations émises en vue de financer la protection durable de l’Union.   

 Un tel fonds permettrait de sevrer les États des hydrocarbures puisés aux confins de l'Oural et de la Sibérie et de bâtir de nouveaux partenariats. Par ailleurs, notre industrie aurait tout à gagner si désormais les composants clés qu’elle nécessite, comme les batteries et les puces, étaient produits chez nous. Pas dans un pays lointain dont les valeurs et les priorités peuvent différer des nôtres. Mais ici. À la maison.   

 Il faudra agir vite. Nous devons passer à la vitesse supérieure sur le plan industriel. Pour financer cette autonomie stratégique, projet ambitieux mais non hors d’atteinte si l’on s’en donne les moyens. Ce projet sans lequel notre modèle européen, notre économie et nos valeurs resteront vulnérables. Ce projet qui inclut aussi de demeurer solidaires avec l’Ukraine et tous ceux qui partagent nos idéaux.   

 Pour finir, un mot à ceux qui considèrent l’Union trop faible pour agir. À ceux-là, je rappelle simplement l’ampleur inédite de sanctions adoptées en un temps record. Je leur rappelle comment des tabous européens vieux de plusieurs décennies ont sauté à l’occasion du plan de relance européen, qui aurait semblé inenvisageable il y a quelques années mais finance aujourd’hui 40% de France Relance. Je leur rappelle les décisions récentes, historiques, des États scandinaves et de l’Allemagne sur le plan de la défense européenne. À ceux-là, je dis simplement : ouvrez les yeux sur le tournant solidaire européen sans précédent que nous sommes en train de vivre. Car aujourd’hui, l’Europe est prête, voire habituée (!), à faire des pas de géant en période de crise. C’est ce qu’attendent les citoyens européens et c’est ce que l’on compte poursuivre. Mais à présent, l’Union doit achever sa mue. Est venue l’heure de ce Fonds de souveraineté européen. Est venu le temps de nous montrer à la hauteur de ce qu’attendent les Européens.