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TRIBUNE DANS LE JDD - Avec le made in Europe, soyons souverains, soyons Européens !

À partir de ce matin, Emmanuel Macron et ses homologues européens se retrouvent à Bruxelles pour un sommet européen crucial, avec des enjeux majeurs comme le soutien à l’Ukraine ou encore l’appui à notre économie. Face aux risques de désindustrialisation, il faut en effet offrir un nouvel élan aux industries qui produisent en Europe, avec des centaines de milliers d’emplois à la clé. C’est aussi une question d’autonomie stratégique : mettre fin à nos dépendances, qui sont nos faiblesses. Et pour cela, il faut du Made in Europe. 

Car le temps presse. À l’heure actuelle, la mythique ruée vers l’or américaine semble renaître de ses cendres, à la faveur d’un plan d’attractivité industrielle massif lancé par Washington. Un plan qui, du haut de ses 370 milliards de dollars, fait de l’œil à l’industrie européenne... Sauf que, pendant que ses entreprises se mettent à regarder vers l’horizon, l’Europe risque fort de traîner des pieds, à l’heure où il est temps d’agir. 

Aujourd’hui, d’Iberdrola à Safran, de Solvay à NorthVolt, nombreux sont les candidats au départ vers l’autre rive de l’Atlantique. L’Inflation Reduction Act cible toutes les industries vertes qui produisent quasi exclusivement aux États-Unis, qu’elles soient américaines ou européennes. Cette danse du ventre auprès de notre industrie européenne représente un défi de taille pour l’Europe. Face à ces menaces de délocalisations, nous devons envoyer un signal clair à nos acteurs industriels.

Et il ne s’agit pas de limiter notre souveraineté aux secteurs de la transition verte et du numérique. Quelle souveraineté européenne bâtirions-nous sans une défense made in Europe, sans la certitude d’avoir les matériaux rares indispensables à la fabrication des batteries et des puces made in Europe ou avec un secteur de la santé fragile ? Les pénuries actuelles de médicaments sont un exemple frappant de ces dépendances problématiques. Les prix exorbitants de l’énergie en sont un autre. Heureusement, d’ailleurs, que l’Europe produit des chars, sinon allions-nous compter sur la Chine pour aider les Ukrainiens à repousser l’invasion qu’ils subissent ? Nous devons renforcer notre souveraineté et cela passe aussi par ces secteurs stratégiques. Comme cela passe, d’ailleurs, par des domaines où l’Europe est solide mais doit absolument le rester, à l’instar du secteur agroalimentaire. 

À l’issue du sommet européen, la Commission devra proposer des investissements à la hauteur de l’enjeu. Les premières pistes d’Ursula von der Leyen vont dans une direction positive. Le cap est bon : à présent, mettons les gaz ! Quant aux pays dits  'frugaux', je le dis clairement en ce début de sommet : ils ne doivent plus empêcher l’Europe de préserver son industrie. Après tout, n’est-ce pas leurs entreprises, aussi, qui pourraient plier bagage, à l’image de NorthVolt, le géant de la batterie suédois ? Croire que les appels du pied américains, indiens, chinois, japonais à nos industries n’inquiètent pas plus les Européens du Nord que du Sud est une erreur de jugement politique dramatique. 

Depuis un an, avec mon groupe centriste au Parlement européen, je porte l’idée d’un Fonds destiné à renforcer la souveraineté européenne. Nous avons rallié le Parlement derrière ce projet en mai dernier. La présidente de la Commission européenne s’est engagée à le présenter avant l’été. Les chefs d’État et de gouvernement, contraints par ceux d’entre eux qui freinent des quatre fers, sont attendus au tournant dans les heures qui viennent. Il s’agira pour les pays 'frugaux' de réaliser l’urgence à laquelle leurs industries font face !

Bien sûr, notre souveraineté a un prix. Ces pays le savent. Nous le savons aussi. Ne nous leurrons pas. Ce n’est pas avec des piécettes en cuivre que nous répondrons à la ruée vers l’or vert américaine, chinoise ou indienne. C’est avec des investissements conséquents. Entre financer la liberté de l’Union ou finir pieds et poings liés dans la dépendance à des partenaires belliqueux ou non fiables, la préférence des Européens fait peu de doutes. 

 Pour ce faire, la mobilisation de l’argent non-utilisé de l’Europe est sur la table. Mais je mets en garde : il y a un risque réel de porter préjudice à ceux à qui cet argent était destiné au départ. Et quand bien même, les montants ne seront pas suffisants. Pour répondre à ce défi, un nouvel emprunt commun est une piste solide parmi d’autres. Nous l’avons fait pour le plan de relance européen qui finance 40% de France Relance. 

 Et si nous innovions ? Alors que plus de 11 000 milliards d’euros dorment sur les comptes bancaires en Europe, mobiliser l’épargne des Européens avec une garantie de retour sur investissements est une autre piste à explorer. Un fonds de pension souverain supranational permettrait ainsi aux Européens d’investir dans leurs industries stratégiques qui généreront des bénéfices colossaux à l’avenir. Ayons donc l’audace de dessiner des réponses fortes, crédibles et inédites aux défis qui se tiennent devant nous !  

 Sur la scène mondiale, personne n’attend l’Europe. Les USA, la Chine, l’Inde ou encore le Japon allongent les millions et les milliards. Et nous devrons aussi y venir, à ces investissements, et mieux vaut tôt que trop tard. Nulle course aux subventions ici. Seulement la conscience que c’est notre avenir et notre autonomie stratégique qui se jouent. L’Europe a pris l’habitude d’agir avec fermeté et ambition... quand elle se trouve au pied du mur. Nous en approchons dangereusement.