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TRIBUNE - « Sur l’Europe, les LR seront bientôt méconnaissables »

Il y a quelques années, « Reprendre le contrôle » était le slogan des chantres du Brexit. C’est aujourd’hui celui du parti Les Républicains. Choisis pour résumer les deux propositions de loi qu’ils porteront dans les prochaines semaines, ces mots des Républicains en disent long sur leurs nouvelles intentions eurosceptiques. 

A l’heure où Nigel Farage [ancien leader du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP)] vient de reconnaître que quitter l’Union européenne a conduit à un désastre pour le Royaume-Uni, le parti d’Eric Ciotti se lance dans une charge anti-européenne digne d’un programme d’extrême droite. Car c’est précisément du Rassemblement national [RN] que vient l’idée de réviser la Constitution pour enfreindre le droit européen ! 

Cette inspiration lepéniste nourrit l’inquiétude de la radicalisation d’une droite dont étaient pourtant issus Robert Schuman (1886-1963) et Valéry Giscard d’Estaing (1926-2020)… Le respect de la hiérarchie des normes fait partie intégrante de l’Etat de droit dans notre pays. 

Trois admirateurs d’Orban

En voulant s’y attaquer, les Républicains offrent une nouvelle preuve du rapprochement qui s’opère, plus sûrement que lentement, avec Marine Le Pen. Un discours d’opposition à un prétendu « système » agissant à l’encontre des intérêts des Français. Qui frôle le complotisme pour éveiller les peurs, les doutes, la défiance à l’égard du corps politique, c’est-à-dire de celles et ceux que les Français élisent pourtant tous les cinq ans au suffrage universel direct. 

Oui, les choses changent à droite. Et, à un an des élections européennes, elles changent vite. Mais il y a pire que cette seule proposition de loi, qui n’est, en réalité, que la partie émergée de l’iceberg. Laissez-moi vous raconter ce qui se passe, loin des caméras, à Bruxelles. Loin des envolées du Palais-Bourbon, les votes des élus au Parlement européen ne font pas la « une » des journaux. Mais, discrètement, la tectonique des plaques travaille, session de votes après session de votes…

Car, comme l’extrême droite, le chef de file de la droite française au Parlement européen ne voit pas d’un bon œil la protection du droit à l’avortement. Comme le RN, Les Républicains refusent de condamner l’illibéral premier ministre hongrois qui démantèle l’indépendance de ses universités, soumet la justice à des pressions partisanes, encourage les délations anonymes de familles homoparentales et étouffe dans l’œuf les médias indépendants. 

C’est un fait, Viktor Orban compte trois admirateurs chez les Français du Parlement européen : le président du RN, Jordan Bardella, le zemmouriste Nicolas Bay et François-Xavier Bellamy, à la tête des Républicains. Tous prennent le dirigeant hongrois comme modèle. Un modèle à glacer le sang, bien loin des valeurs « républicaines » dont se targue la droite française. 

Parjure 

L’Autriche veut bâtir un mur autour d’une Europe transformée en forteresse médiévale ? Comme les lepénistes, LR applaudit à tout rompre. Cours en ligne, cours du soir, ateliers : développez vos compétences Découvrir Silvio Berlusconi renoue avec son « ami Poutine » ? Silence complice de la droite. Le Parlement européen adopte un texte consacré à l’égalité salariale ou au droit des femmes à disposer de leur corps ? Le chef de file des Républicains s’y oppose. 

Fratelli d’Italia rafle la mise aux élections et porte la néofasciste Giorgia Meloni au pouvoir ? Le président du Parti populaire européen [Manfred Weber] se précipite à Rome pour rencontrer l’admiratrice de Mussolini. Notons que la petite-fille du dictateur, aux idées proches de celles de son grand-père, siège d’ailleurs dans le même groupe. Croyez-moi, il n’y a pas de hasard en politique. 

Qu’on ne s’y trompe pas. Sur l’Europe, les Républicains seront bientôt méconnaissables. La droite se défigure et se parjure. Les Français seront appelés aux urnes, le 9 juin 2024 : l’instant de vérité approche et LR devra rendre des comptes de ses votes au Parlement européen. Avec la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, la gauche s’était rassemblée derrière un tribun germanophobe qui envisage de quitter l’Union européenne et, lui aussi, d’enfreindre le droit européen. La droite s’engage, elle, dans une valse à trois temps avec l’extrême droite.

Les valeurs européennes, ce sont les nôtres. Ce sont celles que nous, Français, défendons depuis des siècles : la liberté, l’égalité et la fraternité. L’Etat de droit et la démocratie. A l’heure où l’Europe rencontre des défis économiques et géopolitiques inédits, la France mérite mieux que le sacrifice de ces valeurs sur l’autel du populisme électoral.