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PRESSE | LIBERATION | Budget européen : un deal à 1 800 milliards d'euros

Par Jean Quatremer, correspondant à Bruxelles (UE) — 11 novembre 2020 à 11:13  

Les eurodéputés sont parvenus à arracher 16 milliards d'euros pour le cadre financier pluriannuel 2021-2027 et la création de nouvelles ressources propres qui ne dépendent plus des contributions de chaque Etat.

Pour quelques milliards de plus, les négociateurs du Parlement européen ont donné leur accord, après deux mois de discussions intenses, au cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027 négocié en juillet, au cours d’un sommet marathon de quatre jours, par les 27 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union. Ce qui, par contrecoup, débloque le Fonds de relance qui autorise la Commission à emprunter 750 milliards d’euros sur les marchés pour les redistribuer aux Etats (390 milliards en subventions, le reste en prêts). Mais il faut encore que le Parlement européen et surtout les 27 parlements nationaux votent ce compromis, ce qui pourrait réserver une (mauvaise) surprise.

«Ressources propres»

Les eurodéputés ont réussi à arracher 16 milliards d’euros de plus pour le CFP, une goutte d’eau par rapport aux 1074 milliards que les Etats étaient prêts à débourser pour la période 2021-2027, un budget en net recul par rapport à celui de la période 2014-2020 (en partie à cause du Brexit)

C’est beaucoup moins que ce qu’ils espéraient (39 milliards après avoir demandé 100 milliards au début de la négociation), mais c’est plus que ce qu’ils ont pu obtenir dans le passé (rien en 2013, 4 milliards en 2006). Cette somme supplémentaire sera affectée à la recherche (4 milliards), à la santé (3,4 milliards), à Erasmus (2,2 milliards), à la surveillance des frontières extérieures de l’Union (1,5 milliard), etc.

Là où le Parlement a le plus obtenu, c’est sur la création de nouvelles «ressources propres» (ou impôts européens) qui présentent l’avantage de ne plus faire dépendre le budget européen des contributions de chaque Etat, une dépendance qui rend laborieuse les négociations budgétaires qui ont lieu tous les sept ans.

Le Conseil européen en a créé une, qui a vocation à s’éteindre, la taxe sur les plastiques non recyclables d’un montant de 6 milliards pour 2021. Il a certes promis d’en créer d’autres, mais sans engagement contraignant.

A l’issue de la négociation avec les députés européens, la Commission et les Etats se sont mis d’accord sur un calendrier précis, ce qui ne veut pas dire qu’in fine tous les parlements nationaux donneront leur accord à l’unanimité. «C’est seulement une obligation de moyens pour les Etats», résume un diplomate européen… 

Assiette et amendes

Ainsi, d’ici à 2023, une partie du système d’échange de quotas d’émissions de CO2 (élargi aux transports aérien et maritime) devrait être affectée au budget européen (entre 3 et 10 milliards par an) et une taxe carbone aux frontières pour les produits ne respectant pas les critères environnementaux européens (pour un montant compris en 5 et 14 milliards par an) ainsi qu’une taxe sur les géants du numérique (1,3 milliard par an) devraient voir le jour.

D’ici à 2026, une taxe sur les transactions financières (TTF, au moins 3,5 milliards d’euros par an) et une partie de l’impôt sur les sociétés multinationales (12 milliards par an) si l’Union parvient à harmoniser l’assiette fiscale pourraient aussi voir le jour. Enfin, le montant des amendes infligées par la Commission aux sociétés qui violent le droit de la concurrence ne retournera plus dans les budgets nationaux, mais viendra alimenter le budget européen (environ 11 milliards par an).

En revanche, le Parlement n’a pas obtenu que les remboursements de l’emprunt de 390 milliards d’euros (13 milliards entre 2021 et 2027 puis 25 milliards par an ensuite) ne soient pas imputés sur le CFP actuel afin de ne pas diminuer le montant des politiques communautaires.

«Cela faisait partie du compromis politique conclu en juillet», explique un diplomate français. Les Etats se sont seulement engagés à essayer de ne pas réduire le financement des politiques communautaires, ce que devrait permettre la création de nouvelles ressources propres qui viendraient abonder le budget européen.

Etat de droit

Au final, l’ensemble budgétaire de plus de 1 800 milliards d’euros conclu en juillet ressort plus équilibré de la négociation avec le Parlement qui a réussi à pérenniser son financement, du moins si les futurs impôts européens voient le jour.


En attendant, il va falloir passer le cap des vingt-sept ratifications nationales. Or, la Pologne et la Hongrie ont menacé de ne pas ratifier cet accord si le règlement subordonnant le versement des subventions européennes au respect de l’Etat de droit n’était pas abandonné. Une conditionnalité que les pays «radins», qui n’ont accepté le Fonds de relance que du bout des lèvres, exigent. Varsovie et Budapest oseront-elles tout faire capoter au risque de se priver de l’argent du Fonds de relance ? Réponse d’ici à la fin de l’année.

Jean Quatremer correspondant à Bruxelles (UE)


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