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INTERVIEW | Matinale RCF | Veto Pologne et Hongrie
Les deux pays ont mis leur véto au budget pluriannuel européen. Ils sont en désaccord avec le mécanisme qui permet de suspendre les fonds européens en cas d’atteinte à l’État de droit.
Un Conseil européen crucial s'ouvre ce jeudi, avec le plan de relance et le budget 2021-207 au menu. Il va falloir réussir à faire plier la Hongrie et la Pologne qui se montrent inflexibles sur le mécanisme sur l’État de droit. Au point peut-être de menacer la cohésion de l’Union européenne.
LE VÉTO DE LA POLOGNE ET LA HONGRIE
Le 16 novembre dernier, la Pologne, appuyé par la Hongrie, a mis son veto au budget pluriannuel européen, négocié dans la douleur, ainsi qu’au plan de relance visant à faire face à la crise post-Covid. Pourquoi ? Parce qu’ils s’opposent au mécanisme qui permet de suspendre les fonds européens en cas d’atteinte à l’État de droit. "Ce sont des valeurs qu’on pourrait appeler universelles : la démocratie, la liberté, l’égalité. Des choses qui sont partagées par d’autres pays mais qui sont en Europe un socle. Quand on est dans l’Union européenne, on doit respecter ces valeurs", explique Pascale Joannin, directrice générale de la Fondation Robert Schuman, think tank sur l'Europe.
Ce mécanisme sur l’État de droit fait l’objet d’un règlement qui ne nécessite qu’une majorité qualifiée en sa faveur, c’est-à-dire une majorité constituée de 55% des États ( donc 15 sur 27) représentant 65 % de la population. Ce qui enlève donc tout pouvoir de blocage à ces deux pays de l’Est. Pour empêcher la validation de ce mécanisme, Budapest et Varsovie se sont en fait opposés au projet de budget pluriannuel, qui avec le plan de relance constitue ce qu’on appelle le "paquet", et qui nécessite, lui, l’unanimité.
Pour l’eurodéputée Valérie Hayer, qui appartient au groupe Renew où se retrouvent les partis qui composent la majorité présidentielle en France, c’est ni plus ni moins qu’une prise d’otage. Elle est l’une des négociatrices du budget côté Parlement européen. "Le chantage n’est pas admissible dans l’Union européenne. C’est un exemple supplémentaire qu’il faut lever cette unanimité. Cela pose question sur l’avenir de l’Union européenne. La question c’est de savoir jusqu’où iront la Hongrie et la Pologne", lâche-t-elle.
LA MENACE D'UNE EXCLUSION DES DEUX PAYS DES MÉCANISMES DE FINANCEMENT
Les Européens s'emploient à rendre de plus en plus crédible la menace d'une exclusion des deux pays des mécanismes de financement. La Pologne et la Hongrie ont autant besoin de relance que les autres économies de la région. Pour Pascale Joannin de la fondation Robert Schuman, un veto n’est pas un bon calcul. "Cela risque d’être à leurs risques et périls. Si le fonds européen est suspendu, ils vont avoir maille à partir vers la population qui leur réclameront l’argent européen. je suis pas sûr que ce soit un véto qui serait très positif", explique-t-elle.
QUELLE SITUATION POUR L'EUROPE SI LE BLOCAGE PERSISTE ?
Si le blocage persistait, il n'y aurait pas de plan de relance acté et pas de budget pluriannuel. Ce qui voudrait dire qu’au 1er janvier 2021, c’est un budget de crise qui se mettrait en place. Mais pour Gregory Claeys, chercheur au think tank bruxellois Bruegel, la Hongrie et la Pologne ne se sont pas rendues compte tout de suite de ce que représentait leur veto. "La Commission a bien expliqué que ça leur serait néfaste d’un point de vue financier. Je pense qu’il y avait un bluff pas très bien maîtrisé de la part de ces pays", affirme le chercheur.
Les deux pays devraient lors de ce Conseil essayer de négocier quelques petites choses afin de sortir de cette crise la tête haute. Quelques petites concessions pourraient être faites comme une clarification précisant le mécanisme sur l’État de droit. "Certains parlent d’une déclaration qui permettrait de préciser le dispositif. Ce genre de solution, moi ça me va parce tout État membre a le droit d’exprimer sa position. La Pologne et la Hongrie sont en train de prendre en otage le plan de relance", lâche l’eurodéputée Valérie Hayer.
Mais quoiqu’il se passe, et même si aucun accord n’était trouvé lors de ce Conseil européen, ce ne serait pas aussi grave qu’on pourrait le croire. "Le plan de relance, on a l’impression qu’il doit être mis en place tout de suite, mais c’est surtout pour supporter les conséquences de l’épidémie à l'avenir", tempère Gregory Claeys, chercheur au think thank bruxellois Bruegel. On devrait connaître la réponse dans les 48 prochaines heures.